La prime Macron 2021 pourra être versée jusqu’en… 2022
Les employeurs pourront cette année encore octroyer aux salariés une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) défiscalisée.
L’exécutif y voit une manière de récompenser à peu de frais les travailleurs de la deuxième ligne, particulièrement exposés aux risques sanitaires.
Plutôt qu’une prime aléatoire qui ne sera pas versée avant plusieurs mois, FO revendique une revalorisation pérenne des emplois, des conditions de travail et des salaires, ainsi qu’une hausse du Smic. Et dans le secteur public, les territoriaux FO demandent l’ouverture rapide d’une négociation salariale.
Le 15 mars dernier, lors du sommet social, le Premier ministre a annoncé la reconduction pour 2021 de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA). Il a souhaité qu’elle concerne en priorité les travailleurs de deuxième ligne, particulièrement exposés aux risques sanitaires et qui cumulent souvent bas salaires et conditions de travail difficiles. Ce sont ces caissiers, agents de nettoyage, conducteurs, aides à domicile… qui ont continué à travailler pour faire tourner le pays durant le premier confinement.
Près de deux mois plus tard, les principaux intéressés n’ont toujours rien vu venir. Et pour cause. Ce n’est que le 28 avril que le gouvernement a présenté aux interlocuteurs sociaux les modalités du versement de cette prime.
Pourront en bénéficier tous les salariés gagnant moins de trois fois le Smic. Son montant sera défiscalisé et exonéré de cotisations sociales dans la limite de 1000 euros. Ce plafond sera porté à 2000 euros si l’entreprise ou la branche s’engagent formellement à des actions de valorisation des travailleurs de la deuxième ligne ou si un accord d’intéressement est en vigueur dans l’entreprise.
Les salariés doivent encore s’armer de patience. Le projet de loi de finances rectificative intégrant ces dispositions ne sera déposé qu’à l’été. Or, précise le gouvernement, ce n’est qu’à partir de ce dépôt que le dispositif pourra être appliqué, assorti d’un effet rétroactif. La prime pourra être versée jusqu’à début 2022.
460 euros en moyenne en 2020
Et rien n’est joué non plus car le versement de cette prime reste soumis au bon vouloir de l’employeur, et tous les bénéficiaires potentiels ne la toucheront pas, en tout cas dans son intégralité.
Pour rappel, l’an dernier, la prime PEPA avait été perçue par 6.2 millions de salariés, pour un montant moyen de 460 euros. En 2019, on avait compté quelque 5 millions de bénéficiaires pour une prime moyenne de 458 euros.
Zaïnil Nizaraly, secrétaire général de la fédération Feets-FO, dénonce un effet d’annonce sans suite concrète de la part du gouvernement. Il a écrit aux chambres patronales des secteurs du nettoyage et de la prévention-sécurité pour exiger le versement de la prime à l’ensemble des salariés. Il attend toujours leur réponse. Quoi qu’il en soit, Cette prime défiscalisable, sans cotisations et proratisable, alors que ces travailleurs sont pour beaucoup à temps incomplet, versée inégalement et souvent au contraire du niveau d’exposition ne saurait servir de solde de tout compte, prévient-il.
Si tout complément de salaire est toujours bon à prendre, la confédération FO revendique une revalorisation pérenne des emplois, conditions de travail et salaires des métiers de la deuxième ligne, ainsi qu’un Smic à 80% du salaire médian, soit 1450 euros net.
Pour rappel, en 2021, le gouvernement s’est contenté de revalorisation mécanique du salaire minimum, soit +0.99% (15 euros).
L’été dernier, le chef de l’État s’est engagé à revaloriser les métiers de la deuxième ligne pour améliorer les salaires et les conditions de travail. Le ministère du Travail a lancé à l’automne une mission pour établir le nombre de travailleurs concernés et leur situation.
Les conclusions ont été rendues le 12 mars, juste avant la conférence sociale. Ses auteurs ont identifié près de 4.6 millions de salariés, soit 17 familles de métiers relevant de 15 branches, qui ont été particulièrement exposés au risque sanitaire et qui ont continué à travailler durant le premier confinement. Ils sont employés dans l’industrie agroalimentaire, conducteurs de véhicules, employés de boulangerie, de stations-service, du bâtiment…
Ces travailleurs indispensables ont aussi pour point commun de connaître des conditions de travail plus difficiles que la moyenne (temps partiel contraint, horaires de nuit, risques physiques…), et une faible rémunération. Ils touchent en moyenne 12 000 euros par an.
Reste que certains métiers pourtant éligibles ont été laissés de côté par la mission, comme la restauration collective en prison ou en Ehpad, les salariés des laboratoires de biologie…
Etendre les accords existants avant de rouvrir des négociations
Le gouvernement a renvoyé la question de la revalorisation de ces métiers à des négociations dans les branches concernées. Ces dernières sont invitées à présenter un calendrier de négociation avant l’été. Les discussions devront porter sur les salaires, les conditions de travail, la formation… Mais là encore, rien de contraignant.
Alors que FO est la première organisation syndicale dans le commerce alimentaire, nous n’avons jamais été sollicités ni sur la mission, ni sur une négociation pour revaloriser ces métiers, réagit Carole Desiano, secrétaire fédérale à la FGTA-FO en charge de la grande distribution.
Avant le lancement d’une nouvelle négociation, elle demande au gouvernement d’étendre en temps et en heure les accords déjà signés par le passé dans la branche.
L’accord sur les salaires négocié en juin 2019 n’a ainsi été étendu qu’en décembre 2020. L’accord sur les salaires de 2020, qui n’a pu être négocié que début 2021, n’a toujours pas été étendu.
La secrétaire fédérale déplore également que l’extension, quand elle se fait, ne soit que partielle, excluant le paiement du temps de pause et la gratification de fin d’année.
Le drame, c’est que l’absence d’extension prive d’une hausse de pouvoir d’achat la moitié des salariés du secteur, qui ne sont pas embauchés par des grands groupes mais par des indépendants, souligne Carole Desiano. Voilà toute la considération du gouvernement pour ces salariés. Nous sommes ouverts à la discussion avec le ministère et la branche, mais il faut consolider ce qui existe déjà.
Rattrapage salarial de 14% en moyenne dans l’aide à domicile
Dans le secteur de l’aide (aux soins) à domicile, après plusieurs années de négociation, un avenant (43) à la convention collective prévoyant une augmentation moyenne des salaires de 14% a été soumis à signature en mars 2020. Il a été paraphé par la FNAS-FO. Pour nous, il s’agit surtout d’un rattrapage, précise Isabelle Roudil, secrétaire fédérale chargée de l’aide à domicile à la FNAS-FO. Actuellement, près de la moitié des salariés du secteur sont sous le Smic et le tassement de la grille réduit les écarts entre les diplômés et non-diplômés.
Reste que l’accord n’a toujours pas été agréé par la Direccte. La ministre déléguée à l’Autonomie Brigitte Bourguignon a promis son agrément avant la fin mai 2021, pour une application au 1er octobre 2021. Tant que ça ne sera pas acté, nous serons dans le doute, estime Isabelle Roudil. Et derrière, il faudra encore attendre l’extension de cet accord pour qu’il puisse s’appliquer à tous les salariés.
Par ailleurs, la plupart des structures associatives d’aide à domicile n’ont plus de fonds propres mais dépendent financièrement des conseils départementaux. Or certaines de ces collectivités préviennent déjà qu’elles n’auront pas les moyens de faire face à une hausse de salaire. Pour 2022, le gouvernement s’est engagé à prendre en charge 70% de la hausse de rémunération, mais cette part tombera à 50% dès 2023, ajoute Isabelle Roudil. Déjà, pour ces raisons financières, le versement de la prime PEPA en 2020 a été très inégale sur le territoire.
La militante insiste aussi sur les conditions de travail déplorables dans le secteur, qui entraînent de graves difficultés de recrutement. Une négociation a été lancée au niveau de la branche sur le développement des emplois et compétences, mais ça brasse surtout du vent, on ne touche pas au cœur du problème, on n’en attend rien, poursuit-elle.
En revanche, ce 5 mai, elle était à Laval, en Mayenne, où une cinquantaine de salariées de l’aide à domicile, en grève, ont obtenu une régularisation de ce qui leur était dû : une majoration pour le travail du dimanche, et la compensation de du coût de l’entretien de la blouse. Malgré tout, la résistance et la lutte, ça paie pour faire appliquer les droits, se félicite-t-elle.
Les territoriaux FO demandent l’ouverture de négociations salariales
Le 5 mai, la fédération des services publics et de santé FO-SPS a organisé une conférence de presse à laquelle participait le secrétaire général de FO Yves Veyrier. Elle a présenté les résultats d’une enquête menée auprès de plus de 1000 structures territoriales, et qui démontre l’implication et l’engagement des agents depuis le début de la pandémie. Ces invisibles du quotidien, ce sont notamment les éboueurs, sapeur-pompiers, agents des écoles, agents funéraires...
D’après l’enquête, la crise sanitaire a eu un impact sur les missions de près de 90% d’entre eux. Certains agents ont même pris des initiatives pour répondre aux besoins de la population dans un esprit de service public, malgré les risques sanitaires encourus, souligne Dominique Régnier, secrétaire général chargé des services publics à la fédération FO-SPS.
L’enquête montre également une grande inégalité de traitement entre les agents durant la crise. Là où les syndicats sont présents et où le dialogue social existe véritablement, les choses se sont mieux passées avec les employeurs publics.
Exigeant une reconnaissance, FO demande l’ouverture immédiate de négociations sociales et salariales pour l’ensemble des agents territoriaux. Selon l’enquête, seulement 46% de ces agents publics ont reçu une prime Covid, pour un montant compris entre 30 et 1.000 euros.