BURN-OUT: QUAND LE TRAVAIL CONSUME LE SALARIÉ
Le verbe anglais to burn signifie brûler en français. C’est une Américaine, Loretta Bradley, qui, en 1969 et pour la première fois, désigne un stress lié au travail sous le terme de burn-out, traduit depuis par syndrome d’épuisement professionnel. En 1974, un psychanalyste américain, Herbert J. Freudenberger, écrivait: «En tant que praticien, je me suis rendu compte que les gens sont parfois victimes d’incendie, tout comme les immeubles. Leurs ressources internes en viennent à se consumer comme sous l’action des flammes, ne laissant qu’un vide immense à l’intérieur.»
À l’automne dernier, le cabinet Technologia consacrait toute une matinée de réflexion au burn-out. Le Dr Agnès Martineau-Arbes, médecin du travail, a décrit les signes cliniques de la maladie: «Il s’agit d’une spirale ascendante dont les premiers signes apparaissent au bout de six mois de stress professionnel. Il y a d’abord une phase de résistance, puis arrive la rupture, suivie de l’épuisement.» Un épuisement dû à une demande excessive de forces ou d’énergie, d’où la métaphore de la bougie qui, après avoir éclairé pendant des heures, n’offre plus qu’une toute petite flamme. D’où encore l’expression: «Pour être consumé (burn out), il faut avoir été enflammé.»
En introduction à cette matinée, le député UMP Jean-Frédéric Poisson, ancien rapporteur de la mission d’information sur les risques psychosociaux à l’Assemblée nationale, confirmait que «le burn-out n’est pas lié à un tempérament prédisposé; c’est le résultat d’une certaine organisation du travail». Pour le parlementaire, «la seule manière d’avoir une influence sur les entreprises viendra de l’impact sur les cotisations versées quand il sera déclaré comme maladie professionnelle». C’est tout l’enjeu.
UNE BOUGIE QUI S’ÉTEINT
«Le coût du burn-out est supporté par la Sécurité sociale», a expliqué Jean-Claude Delgènes, directeur général de Technologia, qui plaide pour l’inscription du syndrome d’épuisement professionnel dans les accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP), «avec la présomption d’imputabilité qui l’accompagne». Ce serait le 99e tableau et cela permettrait de faire payer à l’employeur ce qui est actuellement supporté par la Sécu: aujourd’hui, la branche AT-MP ne reverse que 80 millions d’euros au titre des répercussions, sur la santé publique, des conditions de travail.
Toutefois, le Dr Martine Keryer s’est interrogée sur l’entrée du burn-out dans les AT-MP: «Bien sûr, a-t-elle reconnu, ce serait une aide importante, notamment pour les CHSCT.» Mais elle doute que cela soit suffisant: «L’entreprise paye mais ne change pas! Cela ne lui coûte pas assez cher.»
Il revenait au fondateur de Technologia d’évoquer le contexte dans lequel se développe le burn-out: trente ans de chômage de masse, une précarité intégrée, même quand elle est «virtuelle», mais aussi de plus en plus de directions fixant des objectifs de moins en moins réalistes. Jean-Claude Delgènes invite donc les salariés à se fixer des limites et... à apprendre à dire «non».