LA BULGARIE, PAYS LE PLUS PAUVRE DE L’UNION EUROPÉENNE
L’augmentation des factures d’électricité fin janvier a fait déborder le vase. Les travailleurs bulgares ne veulent plus être les champions du faible coût du travail.
Le 20 février, le gouvernement bulgare, confronté depuis quinze jours à des manifestations quotidiennes de la population, a démissionné. Huit jours plus tard, dans l’incapacité de former un nouveau gouvernement, et alors que les manifestations continuaient, le président bulgare, Rossen Plevneliev, a dû annoncer la tenue d’élections anticipées le 12 mai prochain. D’ici là, un gouvernement temporaire d’experts doit être nommé pour conduire les affaires courantes et organiser les élections. La crise sociale et politique que traverse la Bulgarie est sans précédent depuis son adhésion à l’Union européenne en 2007.
L’élément déclencheur en a été l’augmentation des factures d’électricité fin janvier, qui représentaient plus du double de celles de décembre, avec des frais de maintenance et de distribution dépassant d’environ 120% le prix de l’énergie consommée. De nombreux manifestants réclamaient la nationalisation des trois monopoles privés qui se partagent le marché de l’énergie, alors que Bruxelles fait au contraire pression pour que la libéralisation s’accélère et que le nombre d’opérateurs privés augmente. Ils ont notamment défilé devant le ministère de l’Économie et de l’Énergie en scandant: «Mafia! Ordures! Démission!».
Dans le pays le plus pauvre de l’Union européenne où la corruption sévit plus que partout ailleurs*, cette augmentation des factures d’énergie a été l’injustice de trop, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Un salaire minimum à 96 euros par mois
C’est en Bulgarie que l’on compte la plus forte proportion de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale (49%), devant la Roumanie et la Lettonie (40%), ou encore la Grèce (31% contre 27,7% en 2010). Et pour cause. Le salaire minimum bulgare est inférieur à celui de la Chine urbaine (270 BGN, soit 138 euros brut et 188 BGN, soit 96 euros net). Il ne représente que la moitié, voire moins, du salaire minimum de Pologne ou de Hongrie, de la République tchèque et de la Slovaquie, de la Lettonie et de l’Estonie. Le salaire moyen est deux fois et demie inférieur à celui de la Pologne et de 45% à celui de la Roumanie. La Bulgarie est la preuve par excellence que ni la flexibilité, ni le faible coût du travail ne sont la garantie d’un développement économique. Bien au contraire, cette stratégie, explique la CSI, a condamné l’économie bulgare à dépendre d’industries à faible valeur ajoutée, ce qui l’empêche de se mettre au niveau des pays les plus avancés de l’Union européenne. Résultat: le pays, réputé pour avoir un marché du travail extrêmement flexible, n’en a pas moins perdu plus d’un demi-million d’emplois depuis le début de la crise sur un total de trois millions.
En mai 2012, la CSI (Confédération syndicale internationale) dénonçait des «attaques de plus en plus systématiques contre les droits des travailleurs, sous couvert de crise internationale». Les droits les plus attaqués sont celui d’organiser une grève légale sans risque de licenciement sommaire et sans intimidation dans une entreprise publique, la liberté syndicale dans le secteur public comme dans le secteur privé et le droit de négociation collective pour les fonctionnaires.
En 2012, les confédérations syndicales, la Confédération des syndicats indépendants de Bulgarie et la Confédération des travailleurs Podkrepa, avaient remis une pétition de 100.000 signatures au président du Parlement pour la garantie et la protection des droits des travailleurs.
* Avec 150.000 pots-de-vin par mois, la corruption en Bulgarie dépasse de deux à trois fois la moyenne européenne, selon le Centre d’étude de la démocratie basé à Sofia.
Article paru dans FO Hebdo 3065