Réforme des retraites : une réforme juste ?
Sans surprise, les mesures de la réforme des retraites engagée par le Gouvernement se placent encore et toujours dans une logique économique et impacteront tout un chacun, notamment les salariés les plus fragiles. Cette réforme est présentée comme juste. Vérification.
Parmi les arguments du Gouvernement, il est souvent répété que cette réforme s’inscrit dans une volonté de progrès. En premier lieu, parce-que le report de l’âge légal et l’augmentation de la durée de cotisation permettrait d’augmenter le minimum contributif (pension minimale perçue par les retraités) de 747,57€ à 1 200€ mensuels.
Mais d’une part, ce montant de 1 200€ est un montant brut. Il sera donc pleinement soumis à cotisations (CSG, CRDS, CASA), avec une assiette maximale de 9,1%. Ce qui donne un montant final compris entre 1090,8€ et 1 150€. Le minima contributif se situerait donc au-dessous du seuil de pauvreté (calculé à 1 263€ en 2022). Sans oublier que selon une note publiée par l’économiste Pierre Concialdi, chercheur à l’Ires, le montant minimal nécessaire à une personne seule pour vivre décemment en France est de 1634€.
D’autre part, ce seuil de 1 200€ ne concernera que les carrières complètes. Un retraité qui n’aurait pas cotisé la totalité des 172 trimestres (soit 43 ans) ne pourrait donc pas y prétendre. Ce qui pénaliserait notamment les femmes, qui ont en moyenne des carrières plus hachées que celles des hommes. 40% d’entre elles partent en retraite sans avoir validé une carrière complète. Le niveau moyen de leur pension est inférieur de 40,5% à celui des hommes (29,8% en prenant en compte la réversion).
Le Gouvernement a également affirmé que la pénibilité serait de nouveau prise en compte. Parmi les quatre critères de pénibilité qu’il avait, au passage, supprimés en 2017 (manutentions manuelles de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques et agents chimiques dangereux), trois seraient à nouveau pris en compte. Seule l’exposition aux agents chimiques et dangereux reste à l’écart.
Toutefois, cette pénibilité sera mesurée de manière individuelle. Chaque salarié âgé de 61 ans devra passer une visite médicale et c’est la médecine du travail qui déterminera qui peut partir plus tôt en retraite et qui ne le peut pas. Le spectre de la mise en inaptitude sera toujours plus important.
Outre le fait que cette individualisation est un coup supplémentaire porté au caractère universel de notre système de protection sociale, cette mesure va aussi causer une hausse significative de la charge de travail des médecins du travail, dont le nombre est déjà très faible et qui subissent des cadences considérables. Le porte-parole du Gouvernement Olivier Veran n’a pas exclu de recourir aux médecins traitants ce qui, au vu de la situation médicale déjà critique dans de nombreux territoires, est tout simplement irréaliste.
Bien que tout porte à le faire croire, cette réforme ne comporte donc absolument rien qui puisse être qualifié ni de « juste », ni de « progrès ». Le progrès, en matière de retraites, ce serait de mener une véritable politique d’emploi et notamment d’emploi des seniors. Ce serait de réduire les inégalités salariales et d’augmenter les salaires. De prendre en compte les années d’études des jeunes diplômés qui, bien qu’ils entrent tardivement dans le marché du travail, constituent une plus-value importante pour notre économie.
On est loin du compte.
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