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Publié par Bernard Domergue

 

A l'issue de son congrès de Rouen, la semaine dernière, FO s'est choisi un nouveau secrétaire général, Frédéric Souillot, élu avec plus de 87% des voix En dépit de quelques échanges assez vifs, le troisième syndicat français a réussi son passage de relais.

Malgré quelques passes d'armes entre tenants d'une ligne réformiste et tenants d'une ligne davantage revendicative, lesquels ont réclamé encore vendredi, en vain, que FO exige un retour pur et dur à la retraite à 60 ans et à 37 annuités, Yves Veyrier aura donc réussi son pari lors du congrès de Rouen : celui de passer le relais dans de bonnes conditions au nouveau secrétaire général de FO, Frédéric Souillot.

Ce congrès aux allures de rassemblement a été beaucoup moins agité que le fut celui de 2018, marqué par la succession tendue entre Jean-Claude Mailly et Pascal Pavageau, lequel devait démissionner quelques mois plus tard suite au scandale des fichiers. Christian Grolier, qui avait maintenu sa candidature à ce mandat, l'a en effet retirée mercredi. Il a fait lire un message à la tribune expliquant sa décision par la volonté de faire prévaloir l'unité de FO, ce qui n'exclut pas d'autres raisons : probabilité d'un mauvais score, savants équilibres sur la composition des instances dirigeantes.

Le rapport d'activité approuvé par 98% des voix 

 

 

C'est donc un syndicaliste de 54 ans issu de la métallurgie, donc partisan d'une ligne "réformiste", qui va incarner pour les trois prochaines années l'image de FO, le troisième syndicat français et le premier dans la fonction publique d'Etat, dont les élections ont lieu à la fin de l'année (1). Auparavant, le rapport d'activité et le rapport de trésorerie présentés par Yves Veyrier ont été très largement approuvés par les délégués, à plus de 98%. On peut y voir le signe d'une volonté d'afficher une unité, alors que Jean-Claude Mailly n'avait pu faire approuver son rapport d'activité qu'à 44% en 2018.

Frédéric Souillot, l'homme de la situation pour Yves Veyrier

Frédéric Souillot, qui a volontairement évité de s'exprimer devant la presse pendant le déroulement du congrès, est aux yeux d'Yves Veyrier "un syndicaliste FO pur sucre" : "Il est ouvrier, dans la métallurgie, il a pris en charge la section de son syndicat puis son syndicat (Schlumberger), il l’a fait grandir en multipliant les implantations avec de bons résultats sur la représentativité. Il a pris en charge l’union locale, puis il est arrivé à la fédération de la métallurgie où il a suivi des dossiers comme la sidérurgie. A la confédération depuis 2015, il a pris en charge les questions de formation et de développement". 

La question des CSE 

Le nouveau secrétaire général de FO devra donc suivre les axes dressés par les quatre résolutions adoptées à la quasi-unanimité par le congrès (outre-mer, sociale, protection sociale, résolution générale). Dans la résolution générale, "de seulement 20 pages", FO rappelle son opposition à la loi de représentativité de 2018 et demande l'abrogation de la loi Rebsamen de 2015, de la loi Travail de 2016 et des ordonnances travail de 2017. Le syndicat "dénonce la mise en place des CSE de manière ultra centralisée" et revendique "la mise en place d'une représentation du personnel plus proche des salariés".

Nous demandons la fin de la limitation à trois mandats successifs 

 

 

FO demande la suppression de la limitation, pour les membres du CSE, à trois mandats successifs et réclame le rétablissement des CHSCT, "une institution consacrée aux questions de santé, sécurité et conditions de travail, dotée de la personnalité morale et de moyens adéquats", dans toutes les entreprises. Au sujet de l'élargissement des attributions des CSE aux conséquences environnementales, FO rappelle "que le rôle premier de l'organisation syndicale et des représentants du personnel est la défense des intérêts matériels et moraux des salariés", et que ces nouvelles attributions ne doivent pas "amener les représentants des salariés à codécider des mesures qui ne relèvent pas de leur responsabilité".

Alors qu'Yves Veyrier estimait crucial l'enjeu du développement syndical pour faire progresser l'implantation et la représentativité de FO (qui compterait "380 000 cartes placées"), la nécessité de "réussir les élections professionnelles" et de "présenter des listes plus complètes et partout où c'est possible" ne fait l'objet que de quelques lignes dans la résolution générale (2). 

Le pouvoir d'achat et les salaires

Le texte réclame l'augmentation du Smic à hauteur de 80% du salaire médian, "l'augmentation générale des salaires" et la généralisation "d'une prime de transport aux salariés qui n'ont d'autre choix que de se rendre sur leur lieu de travail avec leur véhicule  personnel". Le syndicat souhaite "l'interdiction de distribution de dividendes pour les entreprises bénéficiaires d'aides de l'Etat ou mettant en place un PSE". 

Pour une nouvelle négociation sur le télétravail 

 

 

Au sujet du télétravail, si FO a signé l'accord interprofessionnel de 2020, le syndicat n'en demande pas moins "une nouvelle négociation interprofessionnelle pour un accord normatif et prescriptif". En attendant, pour tout projet de mise en place du télétravail, FO exige par ailleurs "une négociation en première intention au niveau des branches et des entreprises traitant de thèmes obligatoires dont l'éligibilité et les conditions de mise en oeuvre de ce mode d'organisation du travail, la prise en charge des frais professionnels, le droit à la déconnexion et l'articulation des temps de vie, l'égalité femmes-hommes, le handicap (..), le droit syndical". 

"Les interlocuteurs sociaux doivent négocier librement"

Sur le dossier des retraites, FO conteste tout recul de l'âge de départ, refuse "toute volonté de création d'un régime unique" et toute "main-mise de l'Etat" en estimant que la gestion paritaire a fait ses preuves pour l'Agric-Arrco. Dans la continuité de l'accord récent sur le paritarisme, il reste essentiel sur le plan interprofessionnel, selon le syndicat, "que les interlocuteurs sociaux puissent négocier librement, selon un agenda social paritaire, choisi sans intrusion ni injonction du gouvernement". 

Militants, exercez votre libre arbitre !

 

 

Vendredi, Yves Veyrier a salué, lors d'un ultime discours, "la formidable unité et le formidable rassemblement démocratique" des délégués en les invitant à oeuvrer pour "l'indispensable solidarité collective qui doit présider à la vie en société". Citant l'Homme révolté d'Albert Camus, il a conseillé aux militants FO de se méfier "des tribuns et la pensée dominante" : "L'homme révolté est un homme qui dit non. Commencez toujours par dire non, allez chercher la connaissance du sujet, pesez le pour et le contre, et alors seulement vous pourrez vous déterminer et exercer votre libre arbitre, en faisant valoir vos arguments pour convaincre. L'indépendance de notre confédération ne peut être fondée que sur votre propre indépendance de pensée". Et Yves Veyrier d'ajouter : "Soyez fiers de votre engagement syndical, parlez-en autour de vous, car il s'agit de lutter contre toute forme d'oppression (...) et pour l'amélioration du mieux-être, par la libération du souci quotidien du lendemain. L'indispensable solidarité collective doit présider à la vie en société.

Une nouvelle commission exécutive confédérale

Conclu par la traditionnelle reprise en chœur de l'Internationale, le congrès s'est poursuivi, vendredi après midi, par l'élection à huit clos des nouvelles instances dirigeantes de la confédération. Le comité confédéral national (CCN) a élu Frédéric Souillot secrétaire général par 87,68% des suffrages exprimés (77,47% des inscrits), à rapporter aux 45,7% ayant permis l'élection d'Yves Veyrier quelques mois après les divisions du congrès de 2018. 

Dans le bureau confédéral (5 hommes, 5 femmes), qui reconduit notamment Michel Beaugas, Béatrice Clicq et Karen Gournay, Patrick Privat reste trésorier de la confédération. Christian Grolier intègre la commission exécutive, laquelle ne comporte que 5 femmes sur 35 membres (voir notre encadré).

Les défis qui attendent les nouveaux responsables de FO et singulièrement Frédéric Souillot sont nombreux. Il y a bien sûr la réforme des retraites, que le chef de l'Etat veut appliquer dès l'été 2023. Il y a le sujet des revendications salariales et de l'évolution du financement de la protection sociale. Il y a encore la nouvelle réforme touchant Pôle emploi avec le projet France Travail qu'Emmanuel Macron veut lancer dès cet été (lire notre brève dans cette même édition). Quant aux enjeux propres à l'organisation, il faut mentionner l'implantation syndicale et la représentativité lors du nouveau cycle d'élections dans les CSE, sans oublier les élections de la fonction publique de fin d'année. 

 

(1) Dans le privé, FO dispose d'une représentativité de 15,2%, soit un poids relatif de 17,6%

(2) Le rapport financier indique une baisse des recettes des cotisations syndicales, passées de 8,9 millions en 2017 à 8,3 millions en 2020. FO, qui a réduit ses charges de personnel entre 2020 et 2019, dispose de 10,8 millions de recettes propres, de 6,7 millions venant des formations syndicales, de 13 millions au titre du paritarisme et de 295 000€ de subventions publiques pour l'année 2020. La confédération doit investir 100 000€ à 150 000€ par an pour sécuriser son informatique.

 

La composition des nouvelles instances

Le congrès de FO a vu le départ de Roxane Idoudi (action sociale), de Serge Legagnoa (en charge de la protection sociale) et Marjorie Alexandre (secteur international). 

Les membres du bureau confédéral sont Rachel Barrion, Michel Beaugas, Béatrice Clicq, Patricia Drevon, Hélène Fauvel, Éric Gautron, Karen Gournay, Pascal Lagrue, Cyril Lama et Branislav Rugani. Leurs responsabilités devraient être définies ce mercredi 8 juin.

Les membres de la commission exécutive sont : Yanis Aubert (UD 76), Franck Bergamini (UD FO 13), Christine Besseyre (FO Com), Frédéric Bochard (UD 63), Jean-Luc Bonnal (UD 84), Sébastien Busiris (FEC FO), Serge Cambou (UD 81), Patrice Clos (FD Transports), Jean-François Duflo (UD 59), Gabriel Gaudy (UD 75), Gilles Goulm (FO Défense), Philippe Grasset (FO Finances), Christian Grolier (FGF), François Guerard (FAGE), Franck Hausner (UD 06), Philippe Herbeck (FO Cheminots), Frédéric Homez (FO Métaux), Jean-Baptiste Konieczny (UD 62), Hervé Larrouquere (UD FO), Michel Le Roc’h (UD 44), Philippe Mano (UD 33), Rachel Messousse (UD 25), Arnaud PICHOT (UD 26/07), Clément Poullet (FNEC FP), Hervé Quillet (Chimie), Laurent Rescanières (FGTA), Catherine Rochard (UD FO 49), Dominique Ruffie (UD 78), Pascal Samouth (UD 43), Franck Serra (FD Bâtiment), Sylvie Szeferowicz (UD 51), Alexandre Tott (UD 57), François Trinquet (UD 92), Sylvia Veitl (FO Pharmacie).

La commission de contrôle des comptes comprend Jean-Yves Sabot (FD Métaux), Didier Courtois (FO Finances) et Vincent Vilpasteur (UD 95). 

La commission des conflits comprend Laurent Aubersin (FO Finances), François Bucaille (UD 71), Emmanuel Dubarre (FD Chimie), Alain Molina (UD 17), Reza Painchan (UD 93), Anita Passante (FEC), Raymond Pontvianne (FO Bâtiment), Olivier Repesse (UD 69), Hubert Raguin (FNEC FP), Richard Roze (FGTA).

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