Loi Macron, de nouvelles règles en matière de licenciements collectifs
Parmi les multiples mesures que comprend la réforme Macron, dont l’Assemblée nationale a fini de débattre dimanche 15 février à l’aurore, plusieurs dispositions modifient le droit des licenciements collectifs.
Jusqu’au bout, le projet de loi Macron aura fait débat. C’est après avoir achevé l’examen des gros dossiers du travail dominical puis des prud’hommes que les députés se sont penchés sur plusieurs mesures concernant les licenciements collectifs.
Or, si l’exécutif les présente comme de simples corrections d’anomalies juridiques, certains députés, à gauche surtout, les jugent préjudiciables pour les salariés.
L’ORDRE DES LICENCIEMENTS
La première modification porte sur la façon dont sont choisies les personnes qui sont licenciées à l’occasion d’un plan social. Le code du travail prévoit en effet que ce choix doit se faire en fonction de critères précis (charges de famille, ancienneté, qualités professionnelles...) et que, sauf accord contraire signé par les syndicats, ces critères doivent être appréciés à l’échelle de l’entreprise tout entière.
Mais que se passe-t-il si une entreprise, qui veut licencier dans son établissement de Marseille, ne trouve pas sur ce site assez de personnes correspondant à ces critères ? Devra-elle aller chercher d’autres « victimes » dans son site de Lille ?
Pour régler le problème, qui a conduit la justice à annuler le plan social de Mory Ducros par exemple, le projet de loi Macron prévoit que ces critères peuvent être appréciés dans un périmètre inférieur à l’entreprise, par exemple un établissement, ou même un service (art 98).
Au grand dam de la gauche de la gauche, qui comme Jacqueline Fraysse (Front de gauche) a expliqué en commission qu’« en réduisant le périmètre, [on] permet à l’employeur de cibler les personnes qu’il veut licencier ». L’exécutif a donc cherché à apaiser le débat en acceptant un amendement qui prévoit que le périmètre ne sera finalement pas l’établissement mais la zone d’emploi, plus large.
PETITS LICENCIEMENTS ET RECLASSEMENTS A L’INTERNATIONAL
Le gouvernement espère aussi convaincre que deux autres mesures ne sont que des réécritures légitimes. En particulier, la loi de sécurisation de l’emploi (juin 2014) avait ajouté l’obligation pour l’administration de contrôler a priori les « petits licenciements » (moins de 10 salariés) dans les entreprises de plus de 50 salariés, alors que ceux-ci sont contrôlés a posteriori. La réforme Macron supprime le contrôle a priori (art 99).
De même, le gouvernement supprime l’obligation pour les entreprises qui font des plans sociaux de proposer à leurs salariés des reclassements dans leurs sites à l’étranger (art 100). Ce qui avait conduit à des situations où des salariés s’étaient vu proposer des postes en Roumanie par exemple, à un salaire très inférieur au Smic. Un amendement devrait permettre aux salariés qui le souhaitent d’avoir tout de même l’information sur les postes ouverts à l’étranger.
LE PLAN SOCIAL ET LA RESPONSABILITE DU GROUPE
Beaucoup plus polémique sera en revanche la discussion sur la participation d’un groupe aux moyens mis dans un plan social. Actuellement, selon le code du travail, pour être considéré comme suffisant, un plan social doit être proportionné « aux moyens dont disposent l’entreprise, l’unité économique, et le groupe ».
La justice peut donc annuler un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), l’autre nom du plan social, pour insuffisance des moyens mis en œuvre... Mais elle ne dispose pas des outils juridiques pour faire payer la maison mère. Ce qui peut avoir des conséquences paradoxales. Bercy évoque ainsi « sept cas de jurisprudence » où, après avoir vu leur plan social annulé, des salariés licenciés se retrouvent à la fois sans salaire et sans indemnités de licenciement !
Pour sortir de cette situation ubuesque, le gouvernement prévoit, non pas de donner à la justice les moyens de faire payer le groupe, mais d’autoriser l’administration à valider un PSE en fonction « des moyens dont dispose l’entreprise » et non plus le groupe (art 101).
COLÈRE CHEZ LES FRONDEURS
Une solution qui passe très mal à gauche. « C’est inacceptable que les conditions de départ des salariés soient déconnectées de la prospérité économique du groupe », tonne ainsi le député socialiste frondeur Christian Paul.
Chez les frondeurs, on pointe aussi le risque que cette nouveauté ne conduise à considérablement diminuer les moyens accordés jusqu’à un PSE. Voire qu’elle n’encourage certains employeurs peu scrupuleux à organiser le dépérissement d’un établissement sans avoir à en assumer les conséquences sociales.